Côte d’Ivoire : résumé des enjeux de la nouvelle saison cacaoyère

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En Côte d’Ivoire, la campagne de cacao pour l’année 2023/2024 est actuellement en cours depuis plus d’une semaine, et elle s’accompagne de diverses incertitudes et de nouveaux défis pour les producteurs, les organisations de la société civile et les autorités de régulation de la filière.

La récolte de cacao est au cœur des préoccupations, en particulier pour la campagne principale d’octobre à mars, qui représente environ 80 % de l’offre annuelle. Cependant, des facteurs tels que les fortes pluies enregistrées en mai et juillet de cette année ont affecté certaines zones de production, provoquant des maladies fongiques telles que la pourriture brune. De plus, le coût élevé des intrants chimiques, tels que les pesticides, les fongicides et les engrais, pourrait entraîner une réduction de leur utilisation et des rendements limités.

Bien que le prix du cacao au champ ait été fixé à 1000 Fcfa par kilogramme, soit une hausse de 100 Fcfa (11 %) par rapport à l’année précédente, certains observateurs estiment que cette augmentation est modeste compte tenu de l’augmentation significative des prix mondiaux à Londres et à New York, ainsi que de la réévaluation des prix au Ghana (+ 64 %).

Selon des sources proches du Conseil du Café-Cacao (CCC), la récolte totale devrait chuter de 20 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 1,8 million de tonnes en 2023/2024. Cependant, cette prévision reste sujette à des évolutions, notamment en raison de l’impact potentiel du phénomène El Niño sur le bassin cacaoyer en Afrique de l’Ouest.

L’analyste Aneeka Gupta de Wisdom Tree a indiqué que l’El Niño est généralement associé à des conditions chaudes et sèches en Afrique de l’Ouest, avec des craintes en Côte d’Ivoire concernant l’intensification du vent sec saisonnier de l’harmattan qui souffle habituellement entre décembre et mars.

Sur le plan mondial, la plupart des prévisions convergent vers une nouvelle contraction de l’offre de cacao après une campagne 2022/2023 déficitaire, avec une estimation de 116 000 tonnes de déficit selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO).

Selon BMI, une unité de Fitch Solutions, le marché pourrait retrouver un équilibre relatif, tandis que Marex Spectron, un courtier britannique, prédit un déficit record de 279 000 tonnes pour la saison 2023/2024.

En Côte d’Ivoire, la campagne 2023/2024 sera également la dernière avant l’entrée en vigueur de la réglementation de l’Union européenne interdisant les importations de produits de base liés à la déforestation. Cette réglementation, adoptée en décembre 2022, contraindra les entreprises à prouver que le cacao importé n’a pas été cultivé sur des terres déboisées ou dégradées après le 31 décembre 2020.

Bien que des questions sur la faisabilité de cette mesure subsistent parmi certaines entreprises et ONG, la pression augmente sur les autorités ivoiriennes, car le pays est le principal fournisseur de cacao, représentant 40 % de l’offre mondiale.

La lutte contre la déforestation nécessite également la mise en place d’un système de traçabilité pour contrôler l’origine des fèves de cacao. Une étude a révélé que 55 % du cacao exporté en Côte d’Ivoire en 2019, soit près d’un million de tonnes, n’était pas traçable. Pour la nouvelle campagne, les autorités ivoiriennes ont mis en place un « Système national de traçabilité du café-cacao », qui vise à identifier les producteurs, les zones d’origine des produits et à suivre les fèves depuis les plantations jusqu’aux points d’exportation.

Néanmoins, la traçabilité demeure un défi majeur, car il est difficile de contrôler l’origine des fèves de cacao, en particulier dans un contexte où les planteurs peuvent vendre à plusieurs acheteurs et où les coopératives peuvent acheter à des non-membres pour atteindre leurs objectifs de volumes.

Enfin, en Côte d’Ivoire comme au Ghana, un différentiel de revenu décent (DRD) de 400 $ par tonne de cacao vendue a été mis en place pour mieux rémunérer les producteurs depuis la campagne 2020/2021. Cependant, son impact a été mitigé ces dernières années en raison de la pression des industriels pour protéger leurs marges, ainsi que des défis économiques liés à la pandémie de coronavirus. Pour la prochaine campagne, les organisations de la société civile et les ONG continueront de faire pression sur les régulateurs de la filière cacao afin d’obtenir de meilleures conditions pour les producteurs. La hausse des prix du cacao et du sucre a également exercé des pressions sur les industriels, tandis que les consommateurs en Europe et en Amérique du Nord ont déjà réduit leurs achats de produits chocolatés en raison d’une inflation persistante.

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