Un rapport pointe une baisse de revenus pour 65% des pêcheurs sénégalais

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Au Sénégal, les communautés de pêche artisanale sont confrontées à une menace grandissante liée à la grave diminution des populations de poissons, en grande partie due aux pratiques non durables et destructrices de l’environnement des chalutiers de fond, largement contrôlés par des acteurs étrangers originaires de l’Union européenne et de la Chine. C’est ce que révèle un rapport publié le 26 octobre par la Fondation pour la justice environnementale (EJF), intitulé « Au point de rupture : comment le chalutage de fond précipite l’effondrement de la pêche artisanale au Sénégal ».

Le rapport, qui s’appuie sur des entretiens réalisés entre septembre 2022 et mai 2023 auprès de divers acteurs des communautés de pêche artisanale, du secteur industriel et du gouvernement, ainsi que sur des recherches documentaires et des analyses de données, met en lumière plusieurs problèmes alarmants.

Tout d’abord, 65 % des pêcheurs artisans interrogés ont déclaré gagner moins aujourd’hui qu’il y a cinq ans. La majorité d’entre eux a également signalé une baisse significative de leurs prises au cours des cinq dernières années. En effet, 76,5 % ont mentionné avoir capturé « beaucoup moins » ou « moins » de poissons pendant la saison sèche par rapport à il y a cinq ans, et 65 % ont indiqué être « très souvent » ou « souvent » revenus de leurs sorties de pêche sans aucune prise au cours de la dernière saison sèche.

Ce problème s’aggrave pendant la saison des pluies, au cours de laquelle 88 % des personnes interrogées ont précisé avoir pêché moins de poissons, et 70,5 % ont déclaré être souvent revenus bredouilles.

La diminution des populations de poissons pousse également les pêcheurs à naviguer plus loin, à passer davantage de temps en mer, et à courir des risques plus importants à la recherche de poissons. Ainsi, 88 % des personnes interrogées ont révélé avoir dû changer de zones de pêche au cours des dernières années.

De plus, dans un contexte de déclin des populations de poissons, les pêcheurs sont confrontés à des dépenses d’exploitation plus élevées, car ils doivent passer plus de temps en mer pour accéder à une ressource de plus en plus rare, ce qui rend leurs sorties de pêche de moins en moins rentables. En effet, 94 % d’entre eux ont affirmé faire face à des charges d’exploitation plus élevées, et 53 % ont indiqué que les expéditions de pêche générant des bénéfices nets étaient devenues moins fréquentes.

Le rapport révèle également que l’ensemble des acteurs de la pêche artisanale voient leurs conditions de vie se détériorer, avec 65 % des pêcheurs, 86 % des transformateurs artisanaux et 100 % des mareyeurs déclarant avoir plus de difficultés à nourrir leur famille. De plus, 88 % des pêcheurs, 93 % des transformateurs et 100 % des mareyeurs ont déclaré avoir un accès plus limité au poisson pour leur propre consommation.

En outre, les pêcheurs artisans sont confrontés aux incursions illégales des chalutiers dans les zones réservées à la pêche artisanale, entraînant fréquemment la destruction de leurs engins de pêche. Environ 76 % des pêcheurs ont vu leurs filets ou leurs lignes endommagés par un chalutier. Certains pêcheurs ont même signalé avoir perdu des amis en mer à la suite de collisions avec des chalutiers, ainsi que des violences, comme des brûlures.

La flotte sénégalaise de chalutiers de fond, l’une des plus importantes d’Afrique de l’Ouest avec un total de 99 navires titulaires d’une licence de pêche en 2019, est principalement contrôlée par des acteurs étrangers en provenance d’Espagne, d’Italie et de Chine, via des accords de sociétés mixtes opaques. Ces chalutiers fournissent principalement les marchés étrangers. Par conséquent, les exportations sénégalaises de produits de la pêche ont presque quadruplé entre 2008 et 2018, mais le volume de produits disponibles sur le marché local a fortement diminué. Certains types de poissons et produits traditionnels, comme le thiof (mérou blanc) et le yeet (escargot de mer fermenté), sont devenus plus rares sur les marchés locaux et ont commencé à disparaître de la cuisine sénégalaise.

Selon les estimations, entre 2008 et 2018, la disponibilité de protéines de poisson par habitant dans les foyers sénégalais a chuté de 47 %.

Le rapport souligne en outre que la crise du secteur de la pêche artisanale au Sénégal, aggravée par les pratiques de la flotte chalutière, pousse un nombre croissant de pêcheurs sénégalais, principalement de jeunes hommes, à émigrer à l’étranger. Les îles espagnoles des Canaries sont la destination la plus courante en raison de leur relative proximité avec la côte ouest-africaine.

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