Depuis plusieurs mois, des milliers de jeunes Sénégalais entreprennent le dangereux voyage vers les côtes européennes. Ce phénomène, qui a pris des proportions inquiétantes, a incité une évaluation des programmes et fonds anti-migration irrégulière mis en place par les différents gouvernements.
Le Sénégal a lancé le 27 juillet dernier sa stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, basée sur cinq piliers, à savoir la prévention, la gestion des frontières, la répression des trafiquants, l’assistance des migrants et leur réinsertion, selon le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique de l’époque, Antoine Félix Abdoulaye Diome.
En préalable, le président de la République avait créé par décret le Comité interministériel de lutte contre l’émigration clandestine (Cilec) en décembre 2020. Ce comité devait superviser la stratégie susmentionnée et répondre à la nécessité d’une gestion administrative centralisée des migrations irrégulières.
Cependant, une rétrospection des fonds et programmes déployés au Sénégal depuis les débuts de ce phénomène en 2000 s’impose. Le sociologue Dr Mamadou Dimé a révélé qu’entre 2005 et 2019, plus de 200 milliards de FCfa ont été investis dans la migration. Ces fonds visaient à limiter les départs en renforçant le contrôle des frontières et en améliorant les conditions socio-économiques dans les zones de départ.
Le soutien au développement de l’entrepreneuriat des jeunes, avec des financements pour des activités génératrices de revenus, ainsi que la promotion de l’emploi local, ont été des axes majeurs des programmes. En outre, des campagnes de sensibilisation sur les dangers de l’émigration irrégulière et la promotion du succès au Sénégal ont été mises en place.
Plus de vingt programmes et fonds ont été exécutés par des structures telles que l’OIM et d’autres organismes nationaux. Les accords de gestion concertée sur les flux migratoires signés en 2006 avec la France, l’Espagne et l’Italie ont renforcé le contrôle des frontières européennes, notamment par l’Agence Frontex.
En parallèle, des projets d’assistance aux migrants de retour et d’aide au développement, comme le Plan Reva et la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana), ont été mis en œuvre. Entre 2015 et 2019, le Sénégal a reçu au moins 170,8 millions d’euros via le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour la stabilité et la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière.
Cependant, l’absence d’études rigoureuses sur l’impact de ces projets rend difficile l’évaluation de leur succès ou échec. Malgré les efforts, le phénomène de l’émigration irrégulière persiste, souligne le sociologue Mamadou Dimé. Les programmes ont souvent été perçus comme des mesures destinées à montrer aux pays européens que des actions étaient entreprises pour stopper le phénomène à la source.
Pour résoudre le problème, Mamadou Dimé recommande une approche plus holistique, agissant sur les facteurs sociaux, économiques, culturels et politiques qui contribuent au désir d’émigration. Il suggère de donner aux candidats à l’émigration des opportunités socio-économiques au Sénégal, en investissant dans l’éducation, la formation, l’entreprenariat et en développant les compétences.
Malgré les programmes de sensibilisation, les réseaux sociaux ont joué un rôle contradictoire en montrant des migrants sénégalais réussissant en Europe, suscitant chez certains l’idée d’un Eldorado. Des voix appellent à une approche plus nuancée, mettant l’accent sur le développement local, l’éducation et la formation pour réduire les incitations à l’émigration irrégulière.